Il arrive parfois que l’industrie minière soit qualifiée d’industrie traditionnelle, conservatrice même. Il est vrai que l’exploitation minière est apparue il y a fort longtemps. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu’elle soit réfractaire aux changements. Au contraire, l’industrie minière se doit d’innover continuellement afin de demeurer concurrentielle.
Prenons l’exemple des dépenses en énergie, qui représentent, en moyenne, 30 % des frais d’exploitation des sociétés minières. À l’usine de bouletage d’ArcelorMittal, ces dépenses représentent plus de 40 % des dépenses d’exploitation. N’y aurait-il pas moyen de réaliser des économies et de réduire l’empreinte environnementale en trouvant un carburant qui remplacerait le mazout ou le diesel? C’est le défi que la société ArcelorMittal a décidé de relever.
Printemps 2016: les médias rapportent qu’ArcelorMittal convertira une partie de son procédé de bouletage au gaz naturel liquéfié (GNL) à ses installations de Port-Cartier. Tour d’horizon d’un projet innovant et aussi vert que stratégique, avec Gilles Couture, directeur, Énergie et Qualité, chez ArcelorMittal.
Il faut beaucoup d’énergie pour fabriquer des boulettes de fer. La dernière étape de la fabrication des boulettes requiert des températures supérieures à 1300o C. Imaginez la dépense en énergie et les émissions de gaz à effet de serre, produites par la combustion du mazout et du charbon!
Il y a environ 5 ans, la direction d’ArcelorMittal a créé un Groupe d’efficacité énergétique. Une de ses missions: développer un plan stratégique visant à évaluer les carburants qui pourraient remplacer les hydrocarbures traditionnels. Entre les années 2011 et 2013, la première étape du plan a consisté à se doter de chaudières électriques à Port-Cartier et à Mont-Wright afin de réduire considérablement la consommation de mazout. Les autres étapes du plan restent maintenant à réaliser, à savoir le recours au gaz naturel et à la biomasse.
À la même époque, ArcelorMittal était très active au sein de la Coalition Plein gaz au Nord. En fait, toute la Côte-Nord était mobilisée afin que la région soit approvisionnée en gaz naturel, de façon à réduire sa dépendance aux hydrocarbures et devenir une région encore plus attrayante pour les investisseurs éventuels.
Deux partenaires
Le Gouvernement du Québec, par le biais du Fonds vert, et Gaz Métro se sont joints à ArcelorMittal pour financer ce projet pilote. ArcelorMittal y injecte 2 millions de dollars, le Fonds vert, 4,5 millions et Gaz Métro contribue pour l’équivalent de 500 000 dollars.
Les partenaires entendent démontrer la faisabilité technique (utilisation sécuritaire et efficace) de la conversion au gaz naturel des fours servant à produire les boulettes de fer. Ils souhaitent également développer une expertise dont pourront s’inspirer d’autres sociétés industrielles, car le GNL est encore relativement peu connu au Québec.
Les 3 premières zones du four de cuisson de la ligne no 1 serviront au test pilote. Six des 18 brûleurs de cette ligne seront convertis au gaz naturel.
Depuis l’annonce, les cages des brûleurs ont été modifiées et les travaux de tuyauterie autour des fournaises sont exécutés.
ArcelorMittal a sélectionné des partenaires spécialisés qui se chargeront des activités extérieures et intérieures et de la conception du projet. La sélection des équipements est très avancée.
L’installation des équipements se fera d’ici au printemps 2017 et le test pilote pourra débuter avant la fin du premier semestre de la même année. Il se déroulera pendant environ 12 mois après quoi ArcelorMittal produira des évaluations techniques et financières.
Le projet pilote demeure toutefois complexe; il reste à franchir des étapes d’approbation du concept, selon les exigences de l’Association canadienne de normalisation.
Des impacts importants
Gilles Couture prévoit que le projet pilote se traduira par une réduction de l’empreinte écologique comparable à la soustraction de 1450 voitures de la circulation. C’est l’équivalent de 5000 tonnes de CO2 (gaz carbonique) en gaz à effet de serre (GES). Imaginez les impacts si tous les brûleurs de l’usine fonctionnaient au gaz naturel! « C’est ce que nous espérons », affirme Gilles Couture. « Si le projet pilote est concluant, et si les conditions économiques sont favorables, la conversion des autres brûleurs pourrait permettre à ArcelorMittal de remplacer le mazout lourd dans une proportion de 75 à 100 %. »
Un deuxième scénario conduirait à l’utilisation de l’huile pyrolytique, un produit reconnu comme carbone neutre, provenant de la mise en valeur des résidus de bois de la société forestière Arbec. L’huile pyrolytique est une source d’énergie complémentaire au gaz naturel. ArcelorMittal a testé l’huile pyrolytique comme carburant en 2015. Le test a déterminé que cette huile pourra constituer un carburant fonctionnel et acceptable, à condition de résoudre quelques problèmes techniques. À terme, ArcelorMittal souhaiterait que son usine soit alimentée en huile pyrolytique à hauteur de 20 à 25 %.
Et qui sait? Le gaz naturel présente un potentiel d’utilisation dans les chaudières des centrales thermiques d’ArcelorMittal. Sans compter les camions de production minière et les locomotives qui pourraient aussi rouler au gaz naturel.
Des retombées pour la Côte-Nord
Si le test effectué par ArcelorMittal s’avérait concluant, c’est toute la région de la Côte-Nord qui s’en réjouirait, car elle se rapprocherait sans doute encore plus de l’établissement d’une filière d’approvisionnement en gaz naturel.
« Souhaitons que l’essai soit concluant de manière à ce que nous puissions étendre l’utilisation du GNL à plus grande échelle chez nous », espère Gilles Couture.